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Cotisations du dirigeant majoritaire de SARL et liquidation de la société : où en sommes nous ?


S’il est parfaitement admis que les cotisations du gérant majoritaire soient prises en charge par la société, sous certaines conditions de formalisme, se pose dans tous les cas la question de la nature de ces cotisations : sont-elles d’ordre professionnel ou personnel ? Dès lors, peuvent-elles être inscrites au passif de la liquidation ou les organismes sociaux sont-ils fondés à poursuivre le paiement de leur créance contre le dirigeant lui-même ?

Jusqu’à présent, SSI comme URSSAF ont ainsi systématiquement considéré la dette comme personnelle : définitivement privés de toute chance de recouvrer leur créance, les organismes sociaux se tournent directement vers la personne du dirigeant ou vers l’entrepreneur individuel pour en exiger le paiement sur ses deniers propres. Le chef d’entreprise peut-il alors pour autant intégrer cette dette dans une procédure de surendettement personnel ou de rétablissement personnel ?

Tout commence avec une jurisprudence ancienne de la Cour de cassation, selon laquelle « Les dettes professionnelles s’entendent des dettes nées pour les besoins ou au titre d’une activité professionnelle. » (Cass. Civ. 2ème, 8 avril 2004, Bull. N° 190, pourvoi n° 03-04.013 ; Cass. Civ. 1ère, 31 mars 1992, Bull. N° 107, pourvoi n° 91-04.208.).

Un arrêt, alors isolé, de la Cour d’appel de Grenoble (2ème Ch. civile, n°13/01590) du 19 mars 2013 est en suivant venu affirmer que « les cotisations au RSI naissent pour les besoins ou au titre de l’activité professionnelle et donc elles ne peuvent entrer dans le passif d’un débiteur bénéficiant d’une procédure de surendettement », solution qui a depuis lors été reprises par plusieurs Cour d’appel (CA Caen, 6 février 2014, RG n°13/01466 et CA Rouen, 20 novembre 2014,RG n° 13/04479).

Cette position est finalement entérinée en 2016 par un avis de la Cour de cassation : « La dette de cotisations et contributions destinées à assurer la couverture personnelle sociale d’un gérant majoritaire de SARL et dont le recouvrement est poursuivi par l’URSSAF est de nature professionnelle, de sorte qu’elle échappe en tant que telle à l’effacement consécutif à la procédure de rétablissement personnel dans le cadre du dispositif de traitement du surendettement des particuliers. » (Cass, avis n°16007 du 8 juillet 2016). Elle suit ce faisant l’avocat général selon lequel « Qualifier ces dettes de personnelles reviendrait en définitive à écarter tout lien avec cette activité professionnelle qui en est pourtant le fondement. Dès lors, c’est bien en raison de son activité au sein de la société que le gérant majoritaire d’une SARL est tenu de s’acquitter de ses cotisations sociales auprès du RSI en contrepartie des prestations attendues. »

Le dirigeant ne peut attendre en la matière aucun salut des procédures réservées aux particuliers. Pour autant, la dette peut-elle désormais relever du traitement des dettes professionnelles. Et bien non ! Peu de temps avant l’avis de juillet, la deuxième chambre civile de la Cour décidait que c’est bien travailleur indépendant qui est redevable des cotisations et contributions dues aux régimes des travailleurs, peu important les modalités selon lesquelles il exerce son activité (Cass, Civ 2, 26 mai 2016, n°15-17272).

Cette solution a depuis lors été adoptée par la Cour d’appel de Reims, : « En l’espèce, il est constant que la procédure de redressement judiciaire ouverte au bénéfice de la SARL Le Moulin des Lutins n’a pas été étendue à M. X, gérant. En conséquence, la Caisse de RSI n’avait pas à déclarer sa créance laquelle ne devait pas être incluse dans le plan de redressement de la société, puisqu’il s’agit d’une dette personnelle de M. X et non une dette de la SARL Le M. Ainsi, c’est à juste titre que le premier juge a considéré que les termes de l’avis de la Cour de cassation ne permettaient pas d’étendre la qualification de dette professionnelle en dehors du champ d’application du livre VII du Code de la consommation relatif à la procédure de surendettement des particuliers. C’est également par des motifs pertinents qu’il a jugé que la créance de la Caisse du RSI était en l’espèce une dette personnelle de M. X qui n’avait pas à être déclarée par le créancier, de sorte que la procédure de saisie-vente diligentée à l’encontre de M. X ne peut encourir la nullité de ce chef. » (CA Reims, 1re ch. sect. jex, 12 sept. 2017, n° 17/00682)

Point de salut donc, en l’état de la jurisprudence, pour le gérant majoritaire. A défaut d’un revirement, peu attendu en l’état, une initiative législative serait de bon ton en vue d’une meilleure protection de l’entrepreneur gérant majoritaire.


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